Vive les traditions !
Du temps de Mlle Chanel, les présentations étaient rue Cambon. C’est rue Richelieu
qu’Adeline André officie. Dans ce petit appartement suranné qui me fait penser, de collection en collection, à l’hôtel des Rothschilds de la grande Duras.
J’entends déjà planer India Song…
La foule s’entasse sous les rires des photographes qui se préparent et lachent,de temps en temps, aux journalistes: « excusez moi, décalez vous. »
« C’est parti » balance un autre en entendant les premières notes chrysalines, avant que la musique nous claque entre les doigts.
Dans le silence, Charlotte Flossaut sort et dévoile une robe faite d’une multitude de pans
retenus aux épaules par des fils. Soudain la musique revient, les trompettes retentissent,
le rituel peut commencer. Aidée de caméristes, lunettes sur le nez, l’élégante rouquine
effeuille son égérie pour parer le corps de femmes à la beauté singulière. Parfois, madame
André jette un coup d’œil sur ses petits cartons d’échantillons afin d’être sûre d’ôter les bons
empiècements de ce véritable puzzle, puis les remet dans sa poche. D’abord elles détachent les fils, avant de retirer par le bas le morceau choisi. Quelques fois, c’est par le haut que la pièce se retire.
Alors pour ne point tacher l’ensemble, l’inévitable carré de soie fait son apparition. Il faut ensuite
suspendre l’élément en rebord, sur une robe de mousseline qui patiente sagement. Ainsi affublées,
les belles défilent.
« Stop » crie un journaliste au mannequin qui partait trop précipitamment. Charlotte passe et repasse jusqu’à ce qu’elle s’allège au fur et à mesure, tout doucement.
Répétitif ? Pas vraiment.
A chaque fois, Adeline André a le génie de développer son univers différemment, pour le plus grand
plaisir d’un public intrigué par tant de talent.
Benoit Foucher
Photos Julien Mignot