« C’est par là » me lance un attaché de presse en m’indiquant du doigt la direction opposée. J’allais me planter. Vu l’heure, ce n’est pas le moment.
A bon port, sur les premiers beats du démarrage, je pénètre dans une cour blindée de journalistes, où trône fièrement un ponton de couleur safranée. A la fois couleur des moines bouddhistes et de Bacchus, elle symbolise l’esprit divin mais aussi la luxure. Rien d’étonnant qu’Henrik Vibskov l’a choisi pour nous conter la fragilité de l’existence, dont l’équilibre tend à se rompre, au royaume des damnés.
Jarre en main, un porteur ouvre le bal entrainant avec lui une horde d’âmes perdues cachées derrière des lunettes de plongée. L’une après l’autre, le visage encadré de noir, elles traversent l’invisible mer des morts.
Sur les classiques mocassins, des structures se dessinent en orangé. Quand au rose et au bleu, ils s’entrechoquent avec l’écossais et le damas. Les leggins léopard s’affublent d’une frange de passementerie et le militaire se porte en parka. Alors qu’à l’aide de cordes, le complet du petit soldat vient se suspendre au cuir des ceintures en véritables grigris de plastique.
Soudain le vent souffle et s’abat sur la terre, l’imminence du déluge résonne. Attachés par des harnais, les suppliciés tractent des coques de bateaux non sans peine. Au loin, tel le divin créateur, les mains dans les poches, monsieur Vibskov observe. Puis le porteur repasse et clos le spectacle.
Benoit Foucher
Photos Billie Bernard
Presse Agentur V