Gustavo Lins

« Ne restes pas tailleur », lui avait lancé un jour son père.

Était-ce déjà, à l’époque, la raison ou bien tout simplement les dessins d’anatomie de ce même père, chirurgien de profession, illustrant diverses opérations, qui ont poussé jusqu’à aujourd’hui Gustavo Lins, de recherche en recherche, de récit en récit, a dessiner une Haute Couture taillée à coups de scalpel? Vraisemblablement car il n’y a pas de hasard.

Comme sur un air de Puccini, comme une ode à l’histoire, celle du Houmongi, mystérieux « vêtement de visite », monsieur Lins nous esquisse le portrait de Cio-Cio-San,
Madame Butterfly. Des vestes, des chemises et des pantalons d’un gris comme la coupe,
sobre, neutre, d’une élégance qui vient de loin, de là-bas, d’Occident.
Benjamin Franklin Pinkerton. C’est peut être pour lui, par amour qu’elle emprunte, dès le départ, le vestiaire masculin, qu’elle déambule avec, qu’elle l’exhibe fièrement, gage de sa passion.
Pourtant, au détour d’une veste hybride, veste d’homme au verso féminin, la chrysalide se brise: dans un jigai solennel miss papillon entaille son kimono, le poignarde à tel point qu’il disparaît et se métamorphose  en robe. Des robes nouées pour certaines aux drapés déplacées pour d’autres, robes aux broderies cicatrices, toutes noires, de soie vêtues.
Des robes au plus près du corps, qui le sculptent, l’épousent comme une seconde peau.

Remarquable travail de déconstruction, puis de construction, en véritable « fils à papa » Gustavo Lins dissèque l’intouchable, le sacré, bouscule les règles, renverse tout. Même le T.

La couture en est toute chamboulée, une nouvelle ère vient de commencer.

 Benoit Foucher

Photos Jeremy Mathur

Haute Couture Automne 2009 Hiver 2010