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Serge Joncour
Le style, l’idole, l’écrivain


Par Denyse Beaulieu / Photo : Catherine Thiry

Ecrivain. C’est tout. A l’heure où il faut au minimum étaler un C.V. digne d’un plateau de Ca se discute ou arguer d’un prix littéraire pour prétendre parler d’un livre qu’on aurait signé, Serge Joncour se contente d’écrire. D’insidieux récits où rien ne se passe, ou si peu : un médecin spécialiste de l’infertilité contemple un magma biologique envahir sa piscine, tandis que deux gamins en mal de famille Ricoré s’insinuent dans son foyer (In Vivo, éditions Flammarion). Un séduisant inconnu s’installe comme chez lui au sein d’une famille de notables (U.V, chez Le Dilettante, prochainement adapté pour l’écran par Claude Chabrol.). Un parfait quidam se retrouve projeté dans l’hyper-célébrité sans la moindre raison (L’Idole). Autant de situations délicates (c’est le titre de son recueil de nouvelles) que Serge Joncour cisèle avec une cruauté contenue, enserrant ses personnages dans la nasse de leur solitude, dénouant ses récits dans l’ambiguïté, comme des polars dont la résolution serait laissée au lecteur… Le style : à la fois sec et sensuel. Limpide, forçant l’attention par la subtilité de la découpe des phrases. Impitoyablement dénué d’expressions toutes faites, drôle souvent, douloureux parfois.
Parfaitement cinématographique, donc parfaitement casse-gueule à filmer – on comprend que Chabrol se soit laissé tenter par l’idée d’en traduire les malaises subtils.



 

Ce style, Serge Joncour a eu tout le temps de le travailler, de le gratter jusqu’à l’os.
Dix manuscrits refusés avant la première publication en 1998. Avant ? « J’apprenais », lâche-t-il, taciturne. « J’ai eu le temps d’analyser la profondeur de ma motivation. » Depuis : six livres en autant d’années, la réputation d’un écrivain « marginal » (c’est son mot) brouillée par la parution de L’Idole sous la houlette de Frédéric Beigbeder. L’ultra-médiatisation de l’éditeur, pour un livre sur l’ultra-médiatisation emballée d’un système qui tourne à vide : carambolage. N’importe. Serge Joncour écrit, « pour me donner les moyens d’écrire ». En se promettant de « travailler moins » pour s’affranchir d’un style qu’il redoute, peut-être, de trop bien maîtriser. Ce qui est un luxe – rarissime – d’écrivain.