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Portrait
Stephen di Renza
Le chic félin d’un dandy de Philadelphie
Par Denyse Beaulieu / Photo : Vincent Lappartient
Lorsque Stephen di Renza s’allume une cigarette,
élégamment perché sur un fauteuil qui aurait pu orner
le salon d’un héros de Jules Vernes, c’est avec un
briquet Dunhill. Naturellement. Mais fumer des Dunhill ? Sûrement
pas. D’une part, parce que la vénérable maison dont
il est le directeur artistique n’a plus rien à voir avec
les cigarettes – s’il fallait lui trouver un équivalent,
ce serait plutôt du côté d’Hermès que
de la Seita. D’autre part, parce que « ce serait trop évident
», lâche-t-il en sirotant son double express. Or Stephen di
Renza a horreur de ce qui est trop évident, du tapage des logos
et du prêt-à-frimer. En authentique dandy, il préfère
la discrétion du bouche à oreille, le vertige du détail
subtil, la rigueur des signes que seuls les véritables connaisseurs
de l’élégance masculine peuvent décrypter…
Comme tous les intellectuels new-yorkais de sa génération,
Stephen di Renza a potassé Derrida et Lyotard autant que Warhol
et les groupes punks de Max’s Kansas City. Licence de cinéma
à NYU, débuts comme styliste photo au magazine Interview,
passage par le design industriel, fashion director pour Neiman Marcus
et Bergdorf Goodman…
Au gré des ans, cet Italo-américain, né
à Philadelphie et Parisien de longue date, s’est affûté
une allure d’aristocrate japonais des années 20, éduqué
à Londres, qui naviguerait entre le Ritz et Montparnasse.
Dandy plutôt que gentleman. Corseté dans les costumes de
Hedi Slimane, comme le lui permet sa silhouette anguleuse -- « Je
n’ai pas une tête de mannequin, mais j’ai la taille
mannequin, et il le faut pour entrer dans ses costumes ! », plaisante-t-il
– ou ceux de Dries Van Noten, qui est un ami.
Une sorte de chic par soustraction : l’essence du style Dunhill,
dont il a recréé l’ambiance au « Heritage Store
» du 15 rue de la Paix, à Paris. Au sein de cet environnement
mixant pièces vintage, rééditions et oeuvres d’art
contemporain, parsemé de dragées blanches et parfumé
d’un immense bouquet de lys Casablanca, Stephen di Renza évolue
comme un chat, palpant le moelleux d’un cuir, soulignant la finition
d’une chemise blanche, faisant rouler entre ses longs doigts fins
des boutons de manchettes qui sont autant d’hommages à Schiaparelli,
André Breton ou Yves Saint Laurent. Lorsqu’il dévoile
les arcanes de l’élégance masculine, on songe qu’une
femme pourrait les détourner, comme les amazones des Années
Folles, pour se dérober aux bombardements d’images de mode.
L’univers rigoureux et sensuel de Stephen di Renza nous y invite.
Rétro ? Pas vraiment. Disons plutôt intemporel, puisant aux
sources de la modernité…
Denyse Beaulieu
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