Le show de Bless présentait bien des pièces – vêtements et accessoires hybrides à l’usage détourné, voire annulé, comme ces Ray-Ban aux lentilles voilées par une frange de chaînettes… Mais à l’image même de ces pièces, c’est le mécanisme même du spectacle qui était détourné, partiellement mis en échec par la mise en scène et dérivant vers la performance, comme toujours pour les non-défilés du duo allemand Désirée Heiss et Ines Kaag.
La foule qui se pressait devant une galerie du Marais dimanche soir ne pouvait y accéder que par petits groupes ; dans l’atrium où se déroulait la seconde phase d’attente, la tribu fashion n’avait d’autre choix que de s’exhiber à elle-même. Au compte-goutte, on accédait à un escalier étroit, où étaient disposés les mannequins, assis, debout, si proches qu’on devait prendre garde de ne pas les bousculer.
Ce rapprochement forcé, un peu intimidant – rappel de l’époque où l’on était contraint de franchir le mur formé par la bande la plus cool du lycée — obligeait au sourire, volontiers rendu d’ailleurs… Dans cette intimité, la tentation était grande de repousser du bout du doigt les chaînettes qui aveuglaient les porteurs de lunettes. Quel regard se cachait là-dessous ? Celui d’un jeune homme, d’une jeune femme qui, tout en s’exposant au regard du spectateur, le regarde se donner en spectacle.
D.B.
Photos Gilles Danger
Presse Pressing