Ziggy Chen, pas un fil de travers.

Loin des cartes postales de la grande muraille et de l’impérialisme chinois traditionnel, une génération de jeunes créateurs de l’empire du milieu émerge. Créative, appliquée. Pointue. Résolument moderne. Ziggy Chen en fait partie.

Stealth Projekt, une fin d’après midi. Il règne une certaine rigueur quand on s’approche des portants de Ziggy Chen. Les pièces sont soigneusement alignées. Pas un fil de travers. Le créateur reste debout. Aussi droit que les coupes de sa dernière collection. Il nous salue; sa traductrice, nous propose un thé, au jasmin, bien sûr.

«Le costume de travail ouvrier asiatique du début du siècle». C’est autour de cette pièce iconique que le créateur nous dit avoir axé sa troisième collection. Toujours dans ce soucis de rencontre entre traditionalisme et modernité, les volumes sont simples, droits, à l’image des costumes portés par cette famille ouvrière de Shanghai dont le créateur nous sort une photographie datée de 1905. «C’est un cliché de famille.» Il esquisse un sourire.

Des couleurs neutres donc, du noir, du bleu travail, quelques touches de blanc sur une série de chemises, tuniques et vestes longues, droites, à col mao simple ou encolure rase. C’est ailleurs qu’il faut percer le mystère de ces pièces à priori basiques et pourtant si singulières. «Moi, c’est la matière», lance Ziggy Chen quand on lui demande qu’est ce qui le caractérise parmi ses paires. Et c’est bien pour cela qu’on a envie de toucher ses vêtements, de les sentir. En un mot: de les porter.

Du coton, du lin, essentiellement importés du Japon et d’Italie et retravaillés dans son studio de Shanghai à la main, lavés, froissés, essorés, reteints: «Je travaille beaucoup avec l’eau. C’est un élément naturel fabuleux.» Et puis il y a cette matière étonnante, ce papier japonais recyclé en textile et tissé au lin pour construire une armure imparable contre la chaleur sur un ensemble de vestes et pantalons: «J’aime travailler avec de vraies matières organiques comme le bambou ou le chanvre, ce sont des matières vivantes, à la fois ancestrales et très modernes.» C’est le mot. Moderne, dans un mélange de brut et de délicatesse naturelle.

C’est aussi le cas de nombreux détails et finitions qui font la différence: boutons teints, usés naturellement, points picots, et doublures lavées à la main en tie & dye. «Je cherche à aller à l’encontre d’une surindustrialisation, redéfinir l’image d’un vêtement à priori simple mais qui reste unique.»  Sorte de néo-couture streetwear rare, qui mérite d’être suivie dans les années à venir.

Jean Charles Cohen

Photo Jeremy Mathur

Showroom Stealth Projekt

 

Homme Printemps Eté 2014