Des podiums à la scène, il n’y a qu’une pirouette. A laquelle Jean-Paul Gaultier s’est essayé avec visiblement autant de plaisir et de fantaisie que dans la mode.
Les costumes inventés pour la chorégraphe Régine Chopinot portent indéniablement sa « patte ».
Fruits d’une collaboration qui a duré 11 ans, du spectacle Délices (1983) aux solos de Soli-Bach (1994), les 328 vêtements et accessoires présentés au musée des arts décoratifs déclinent tous les thèmes fétiches du styliste : le corset aux seins coniques qui se prolonge en robes et pantalons; la marinière qui remplace le justaucorps; les imprimés tatouages qui dessinent d’étranges façades sur les muscles saillants…
L’enfant terrible de la danse contemporaine, fascinée par la mode et adepte du mélange des genres, cherchait un couturier, « Mugler ou Gaultier ». Le premier n’était pas disponible avant un mois. Ce sera le second. L’enfant terrible de la mode trouve dans la danse un moyen de libérer encore un peu plus son imagination débridée, d’expérimenter dans des costumes ce qu’il entrevoit pour ses collections et vice-versa.
Leur mariage s’est notamment scellé dans le célèbre Défilé de 1985. Un « genre inédit » selon Régine Chopinot : « La structure est celle d’un défilé (…) Mais j’ai perverti la marche : mes danseurs avancent à quatre pattes, traînent leurs cavalières sur un pied, se dandinent… »
Dans cette métaphore chorégraphique des catwalks, le Perfecto se pare de Ray-Ban, les vestes s’ornent de coquilles d’huîtres et d’icônes religieuses pour des tenues-souvenirs qui se feuillettent comme un album de vacances.
Les crinolines prennent des airs d’abat-jour. Les coussins se métamorphosent en chapeau ou cache-sexe protubérant. Jean-Paul Gaultier s’amuse. Il réinvente à sa manière les codes vestimentaires de la danse, dans des combinaisons où le masculin et le féminin finissent parfois par se confondre.
On se demande à voir ces vêtements burlesques et colorés comment les danseurs et danseuses ont pu les amadouer pour s’y mouvoir, et émouvoir.
Des extraits vidéos en attestent : même en slip-kangourou extra-extra-large, les disciples de Régine Chopinot sautent sur scène à corps joie.
Florence Le Méhauté
« Jean-Paul Gaultier/Régine Chopinot – Le défilé ». Jusqu’au 23 septembre, au musée des arts décoratifs. 107, rue de Rivoli, Paris 1er. 01.44.55.57.50 www.lesartdecoratifs.fr
Photos :Costumes du spectacle « Le Défilé » (1985)