Madame Grès, la couture à l’œuvre.

Il fallait y penser ! Le musée d’un sculpteur pour celle qui rêvait d’en faire son métier, et même mieux, les anciens ateliers d’Antoine Bourdelle.

C’est ainsi qu’Olivier Saillard à la tête du musée Galliera- qui ne pourra ouvrir ses portes qu’au printemps 2012 pour cause de travaux –  signe la première rétrospective de Madame Grès.

Dans l’immense galerie du musée, juste une robe en jersey de soie couleur pierre, reposant dans une vitrine de verre. Sublime. Ainsi que deux grands tirages au jet d’encre « Scanner Assemblage Extérieur » de Katerina Jebb qui nous attirent sur le grand mur du fond.

La suite de l’exposition nous montre les indémodables drapés des années 30 aux années 80, mais nous fait surtout découvrir les formes très épurées qu’elle adopte dès les années 70. Quatre vingt robes que l’on découvre au fur et à mesure que l’on traverse les salles annexes. La salle la plus étonnante ? L’atelier d’Antoine Bourdelle intact, qui nous projette dans la vie du sculpteur et qui va si bien aux créations de la grande couturière.

Si Madeleine Vionnet utilisait le biais, Madame Grès a choisit le droit fil «…comme un fil à plomb de sculpteur dans un atelier de couture » disait-elle.

Sa technique ? Après avoir patiemment fixé les plis sur un buste, elle coupe et donne le relais à  ses couturières qui le fixent sur un bustier à baleines.« Je ne crée jamais une robe à partir d’un croquis. Je drape le tissu sur un mannequin, puis j’étudie à fond son caractère et c’est alors que je prends mes ciseaux. La coupe est la phase critique et la plus importante de la création d’une robe. Pour chaque collection que je prépare, j’use complètement trois paires de ciseaux. »

En 1976, lorsqu’elle reçoit le Dé d’or, Madame Grès commente, amusée : « Je n’en ai jamais eu d’autres. J’ai horreur de coudre. Je ne couds jamais ! » Dans ses dernières créations elle avait mis au point une robe sans couture.

Le pli grès ? Une succession de plis plats pris dans le droit fil tous les 3 cm. D’une profondeur constante de 1,5 cm ces plis sont cousus à l’envers et dépassent de 2 mm à l’endroit. Le jersey de soie large de 2,80m est réduit à 7cm. Il faut entre dix à vingt mètres de tissu pour une robe.

Ce qu’elle pense de la Haute couture ? « L’expression faire de la haute couture me surprendra toujours. Je fais de la couture… je ne suis qu’une bonne couturière. La Haute couture, c’est cela pour moi… être un artisan qui a appris son métier à fond. Voyez-vous, du travail bien fait naît l’imagination : tous les métiers manuels stimulent l’esprit… Oui, je fais tout moi-même… Je prépare ma toile, je l’épingle… ensuite je taille, je coupe, je sculpte le tissu… »

Ce qu’elle pense de la création.« La perfection est l’un des buts que je recherche. Pour qu’une robe puisse survivre d’une époque à la suivante, il faut qu’elle soit empreinte d’une extrême pureté. C’est là le grand secret de la survie d’une création.»

Très réservée elle avait refusé une exposition rétrospective de son vivant. Madeleine Krebs de son nom d’origine n’aimait pas parler d’elle. Aux journalistes elle répondra « Je n’ai rien à dire et tout à montrer. Je ne fais que travailler, travailler, travailler. Quand je ne dors pas, je coupe. Voilà ma vie. »

Où en est la marque ? Les différentes compagnies qui l’ont rachetée n’ont pas encore réussi à la relancer. Et pourtant, Madame Grès, tout le monde en parle aujourd’hui.

Mfb

Galliera Hors les murs : Musée Bourdelle 16 rue Antoine Bourdelle 75015

Exposition du 25 Mars au 24 Juillet 2011

Expos