Même pas peur !
A l’origine, il y a ce livre du collectif grec Atopos, « Not a Toy, fashioning character » publié avec Pictoplasma, structure berlinoise dédiée au « character design ». Qu’est-ce que c’est ? Le « character design » est un terme qui désigne la personne chargée dans le monde de l’animation ou du jeu vidéo de créer des personnages. Une représentation graphique cette fois-ci reprise par les créateurs de mode et nous voici à la Gaîté Lyrique pour « Arrrgh ! Monstres de mode ».
Tribu fantastique
Une famille de la mode s’est réunie à la Gaîté ! Un cercle qui arbore fièrement l’aspect artistique de la création. Ses membres sont Britanniques (McQueen, Gareth Pugh), Allemands (Bernhard Willhelm), Français (Charlie Le Mindu), Danois (Henrik Vibskov), Japonais (Issey Miyake, Hideki Seo), Belges (Jean-Paul Lespagnard, Martin Margiela ou Walter van Beirendonck). On totalise 80 créations, rien que ça, par 58 créateurs.
Le Belge
A la fin des années 80, Margiela eu la superbe idée de cacher le visage des mannequins dans ses défilés afin de mettre en exergue le vêtement. Appelons ça des petits monstres avant l’heure.
Entre les designers établis et les jeunes pousses en devenir, l’intention est la même : créer au- delà des attentes du client ou du rythme des saisons. Les créations deviennent des manifestes, véritables œuvres d’art au service de la mode.
Une vague créative au succès commercial et pourtant à la philosophie anticonformiste dont Margiela reste le fer de lance en planant de toute évidence sur l’exposition tel un fantôme bienveillant, même si sa participation à l’exposition reste très légère.
La création devient créature !
Des néons enchevêtrés au plafond accompagnés de cliquetis inquiétants qu’on retrouve les films de série B servent d’arrière plan. Pas de vitrines, d’estrade et de scénographie solennelle. On tourne autour des œuvres, corps parmi les corps. Le mannequin change de formes pour ne plus en avoir du tout. Il est une chimère tantôt cubique, tantôt un polygone monté sur néon. Les titres sont drôles, et nous confondent encore plus dans la contemplation béate de ces œuvres.
Le point fort : Barth Hess est le Néerlandais qui a imaginé dans une pièce dédiée de l’exposition une remarquable œuvre images et son sur 360° rassemblant une compilation de monstres, tantôt plongés dans une bulle de latex rouge, tantôt dédoublés à l’infini dans une perspective inquiétante.
Plus on avance, plus on adore. Entre les bêtes poilues de Charlie le Mindu, le cyclope à paillettes d’On aura tout vu, ou encore des monstres rock’n roll chez Hideki Seo ou Rick Owens, l’œil se forge, apprécie après avoir été craintif. L’artisanat est là !
Preuve en est : « Arrrgh ! Est ce cri de surprise et de peur, l’inquiétude refoulée ou la tentative de communication avec cet autre incompréhensible, bizarre et différent qui nous fait peur» explique Vassilis Zidiniakis commissaire de l’exposition.
Notre conception de la beauté et de l’identité s’efface au profit de créations aux catégories encore inconnues. Un travail sur la structure d’une silhouette plutôt qu’un genre, soutenu par les matières, le geste artisanal. Une nouvelle mode est née et « Arrrgh ! Monstre de mode » en est l’humble testament.
Stéphane Fiorello
Photos Snapshots la-couture.com
Exposition Du 13 Février au 7 Avril 2013 – La Gaîté Lyrique 3 bis rue Papin 75 003 Paris