Bill Viola fait vibrer le Grand Palais

Après avoir passées les files d’attente en toute rapidité, nous arrivons à l’étage où se trouve l’entrée de l’exposition. On est tout de même obligées d’attendre que la 1ere salle se vide. Un écran central projette The Reflecting Pool (1979). L’esthétique de la vidéo paraît banale mais les effets spéciaux racontent un état étrange.

Plus loin, un boudoir où une sorte de pressoir invraisemblable en fer et cuir, figé par une barre en bois du sol au plafond qui nous renvoie le visage d’une vieille au bord de l’endormissement et le visage d’un bébé qui s’éveille. Etonnant, comme ces deux visages se parlent.

On arrive dans un salon où des écrans flottants transparents sont alignés sur toute la largeur. Deux projecteurs se font face à face, projection et rétroprojection d’une forêt qui prend des formes abstraites, en apparaissant et disparaissant tout en fluidité, laissant la place à une femme vêtue de rouge qui se glisse dans cette nature et qui disparait à son tour.

Dans les différentes suites, un fauteuil central invite les visiteurs à visionner Catherine’s Room (2001) la vie d’une femme sur 5 écrans représentant différents moments de la journée à différentes périodes de l’année. Des jeux de mains en noir et blanc Four Hands(2001), mains de son fils, sa femme, lui et sa mère. Des émotions de groupe au ralentit avec The Quintet of the Astonished, (2000). Un tableau vivant inspiré de Jérôme Bosch. Très émouvant.

Dans une pièce plus confidentielle et sereine, le public est assis sur de la moquette contemplant le visage d’une dormeuse, posée sur une commode avec juste un vase, une lampe, une horloge. Tout d’un coup l’ambiance devient cauchemardesque. Le son crache des gémissements, des hurlements, pendant que des flashs envahissent les murs de feu quelques secondes. Puis lumière et sérénité. Flash de chiens enragés, pause. Un squelette, pause. Le vol d’un hibou…The Sleep of Reason(1988) est inspiré de Goya.

Dans une très grande salle bondée, le public est assis confortablement par terre pour visionner tour à tour sur les murs The Deluge, Fire Birth,…des scènes d’individualité, de société, de mort, de renaissance. La directrice doit même demander gentiment à la foule de laisser un passage.

C’est plus bas dans la rotonde du Grand Palais que la mise en scène la plus spectaculaire s’ouvre à nos yeux. Tristan’s Ascension (2005) Un homme est allongé sur une dalle de pierre. De fines gouttelettes commencent à tomber sur lui, puis de plus en plus fort jusqu’à l’arroser violemment pour le happer finalement vers le haut. Un très beau moment.

Plus loin, un dyptique d’un couple sexagénaire, Man Searching for Immortality / Woman Searching for Eternity (2013). Nus, ils explorent avec une lampe de poche leur corps ; moment émouvant lorsque la vieille dame soulève son sein flasque pour l’ausculter.

A la vue de Three Women(2008) l’un des spectateurs s’exclame « Pina Bausch aurait adoré ».

Le salon des Dreamers est aussi un moment très fort. L’autoportrait de l’artiste, incontournable.

D’où vient-il ? Né en 1951 à New York Bill Viola fait tout d’abord une école de publicité qui l’ennuie puis il intègre avec enthousiasme un nouveau secteur créé par le Pr Jack Nelson « Experimental Studios ». L’art vidéo nait à ce moment là dans un esprit contestataire face à la télévision. Son leader Nam June Paik, du groupe Fluxus, le repère vite et l’engage comme assistant.

Il travaillera aussi pour Peter Campus, Franck Gillette et d’autres, puis résidence d’artistes et grands voyages. Il a 26 ans quand il arrive à Melbourne en Australie où il fait la rencontre de sa femme Kirav Perov. Ensemble, ils produiront à quatre mains la majorité de ses futures pièces vidéo.

Sa palette? Des écrans qui diffèrent par leur texture : écrans flottants en tissu transparent, pierre de granit, écrans plasma, projections et rétroprojections, Haute définition, écrans plats à cristaux liquides (LCD)…

Une palette très hétéroclite aussi sur les différents types de caméra qu’il utilise. Des plus anciennes aux plus fonctionnelles, – comme les caméras de surveillance ou celles pour lumière lunaire utilisées dans les observatoires militaires-, jusqu’aux plus sophistiquées.

Côté rythme Bill se définit comme un « Sculpteur du temps ». Il utilise le slow motion en virtuose pour  donner Vie à ses tableaux.

Image et son agissent sur tout le corps. Le son est actif et non illustratif. Il provient parfois de cultures lointaines.

Le mystère reste entier, la tension toujours là.

Artiste incontournable de l’Art vidéo, Bill viola signe des œuvres mystiques, des œuvres qui respirent, qui vivent ou sont parfois entre la vie et la mort. Chose qu’il a expérimenté lorsqu’il était enfant lors d’une noyade.

S’il revendique être né en même temps que la vidéo, cet explorateur nous captive par sa vision, par son ouverture aux cultures diverses, par le doigté de son interprétation.

Une rétrospective à voir, à vivre, à ressentir, même si les files d’attente se font un peu longues.

Mfb

Rétrospective Bill Viola au Grand Palais du 5 mars au 21 Juillet 2014

Photos:

1/2 Four Hands

3 The Quintet of Atonished

4 à 7 The Sleep of Reason

10 The Deluge

11 à 22 Tristan’s Ascension

24 à 27 Three Women

30 à 33 The Dreamers

 

 

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